AUTOUR DU FILM
C'est quoi les Simples ?
Quelques livres qui ont inspiré l'écriture du film :
Claude LÉVI-STRAUSS La Pensée sauvage : Paris : Plon, 1962 (chapitre 1 : La science du concret)
Nous sommes abreuvés dès notre plus jeune âge à la thèse qu’il y a deux niveaux de pensée, l’un primitif, relevant de l’affabulation, et marqué par une fantasmagorie sans lien avec le monde réel. L’autre serait celui de notre civilisation, très au-dessus de la mêlée, qui seul mériterait le titre de connaissance scientifique. Avec son ouvrage majeur intitulé La pensée sauvage, Claude Levi-Strauss enlève toute crédibilité à ce mythe fondé sur l’arrogance de notre civilisation : Chacune de ces techniques (développée à partir du Néolithique) suppose des siècles d'observation active et méthodique, des hypothèses hardies et contrôlées, pour les rejeter ou pour les avérer au moyen d'expériences inlassablement répétées. Pour élaborer ces techniques, souvent longues et complexes, (...) il a fallu, n'en doutons pas, une attitude d'esprit véritablement scientifique, une curiosité assidue et toujours en éveil, un appétit pour le plaisir de connaître. Et, il conclut : Il existe deux modes distincts de pensée scientifique donnant ainsi à ce que nous appelons le "savoir populaire", une légitimité scientifique égale à celle de la démarche savante. (Pierre CHAPIGNAC)
Pierre LIEUTAGHI (ouvrage collectif sous la direction de) Les Simples entre nature et société : histoire naturelle et thérapeutique, traditionnelle et actuelle, des plantes médicinales françaises. Publié par l’Association Études populaires et initiatives. Collaborateur Gil Garcin. Forcalquier : Mane,1983 - Ouvrage épuisé - ISBN : 2/904639/00/4
Les plantes médicinales font partie du savoir de base de toutes les sociétés humaines. Dans nos pays, la révolution industrielle, les progrès de la médecine et de la pharmacie ont entraîné le déclin et, parfois, l'extinction de la vaste connaissance traditionnelle des remèdes végétaux. Aujourd'hui, cependant, devant les excès et les faillites de la société technicienne, ses tâtonnements dans bien des domaines qu'elle espérait maîtriser, comme la maladie, on se souvient de nouveau des bienfaits de la nature. Des centaines de livres en proposent l'accès de façon plus ou moins heureuse. La recherche pharmaceutique s'y intéresse de près. Les médecins se remettent à prescrire des plantes, mais de plus en plus déguisées en médicaments. De la tisane de grand-mère à l'herbe en gélules, remboursée par la sécurité sociale, où se situent les progrès de l'autonomie des gens devant la maladie et le remède ? Le moment vient de tenter un bilan du rapport complexe entre l'homme et les plantes médicinales, dans nos pays, de faire le tri entre les fables, les engouements des modes et les pratiques les mieux fondées, de reconsidérer l'immense savoir ancien en regard de l'expérimentation actuelle.
Patric ROCHEDY À fleur de contes : les pensées sauvages des plantes. Tome 1. Photographies de Karine Boudart. préf. Alain Renaux. Conilhac Corbières : Éd. Voyageurs dans l’âme, 2015
À fleur de contes est un ouvrage remarquable pour son approche globale. Chaque plante est abordée selon de multiples points de vue : anthroponymique et historique, les usages culinaire et médicinal, les représentations littéraires (origine mythologique, poésie, récit, conte et légende). Dans cette façon gigogne et humaniste de connecter les curiosités, les savoirs, les saveurs, de créer des ponts, il y a là quelque chose d'ancestral et de futuriste. (Pierre VERNEUIL)
Alain RENAUX Le Savoir en herbe : autrefois, la plante et l’enfant. Préf. de Georges Métailié. Montpellier : Presses du Languedoc, 1998 - Ouvrage chez l'éditeur, disponible chez l'auteur
Alain Renaux a demandé aux Anciens comment ils avaient appris les plantes quand ils étaient enfants, ainsi que le savoir de leurs familles, dans trois territoires du Languedoc : Garrigues, Cévennes et mont-Lozère. À la fin de l'ouvrage, une synthèse montre les différents usages des plantes citées (alimentaire, médicinal, vétérinaire, pratique, ludique…) ainsi que les parties utilisées et les périodes de prélèvement. Dans le film, il s'étonne du peu de bon sens et de la perte du point de vue globale de nos jours chez certains décisionnaires.
Thierry THÉVENIN Les plantes sauvages : connaître, cueillir et utiliser. Aquarelles de Christine Achard, préf. de Pierre Lieutaghi. (Nouv.éd.) La Geneytouse : Lucien Souny, 2019.
Thierry témoigne dans le film d'une situation paradoxale : en tant qu'auteur il peut décrire les usages médicinaux d'une plante telle que l'ortie. Cependant en tant que producteur vendeur il n'a pas le droit d'en parler aux usagers.
Gérard DUCERF L'encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales : guide de diagnostic des sols : (3 vol.). Briant : Éd. Promonature, 2005- 4ème éd., impr. 2013-2014
L'existence de certaines plantes sauvages sur un site indique l'état biologique du sol sans avoir besoin de recourir à l'analyse chimique de la composition du sol. Elle est « bio indicatrice ». Comme le dit Gérard du serf dans le film : « il n'y a pas de mauvaise plante, de plante nuisible ou envahissante en soi. Lorsque celle-ci apparaît de manière spontanée , elle est le signe d'un équilibre ou d'un déséquilibre dans le milieu (le biotope) où est né cette plante. »
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« La nature ça n’existe pas »
Le reporterrien Hervé Kempf reçoit l'anthropologue Philippe Descola Philippe Descola : "La nature, ça n’existe pas" 1er février 2020 / Propos recueillis par Hervé Kempf Dans cet épisode spécial des Reporterriens, Hervé Kempf reçoit l'anthropologue Philippe Descola, pour échanger sur la notion de "nature" à partir de son expérience des peuples indigènes d’Amazonie. Présentation de cet interview par Pierre Chapignac Chacun d’entre nous regarde le monde qui l’entoure avec des catégories, des mythes, des concepts qui déterminent profondément notre relation avec notre environnement. Ils expriment le cœur d’une civilisation, ils nous ont été transmis par de nombreux canaux. Ils sont aussi un piège qui se referme sur notre conscience et nous place dans la quasi impossibilité d’avoir une autre image de la réalité. Philippe Descola nous propose de briser ce piège. S’appuyant sur le point de vue des amérindiens Achuars, il montre que l’idée même de nature implique une extériorité qui permet une distance facilitant l' exploitation de notre environnement comme une vulgaire ressource. Cette manière de voir a été incarnée par René Descartes qui considère la connaissance comme le moyen de faire des hommes les "maîtres et possesseurs de la nature". C’est ce qui a constitué le socle de la dynamique de conquête de l’Europe puis de l’Occident depuis plus de cinq siècles. Pour de multiples et impérieuses raisons, notre civilisation est contrainte de changer de cap. Philippe Descola fait partie des défricheurs. Mille ruisseaux rejoignent sa démarche et alimentent l’émergence d’une nouvelle manière de voir. Les paysans philosophes des SIMPLES s’inscrivent pleinement dans cette évolution et le film L’Esprit des Simples veut être un de ces modestes ruisseaux.
« L'esprit des simples » est-il toujours là ?
En cette période de morosité il est réconfortant de voir comment un groupe de producteurs de plantes médicinales qui s’est constitué dans les années 80, a survécu jusqu’à irriguer quelques branches des médecines parallèles qui se développent aujourd’hui en dépit des entraves administratives et de la pression des lobbys pharmaceutiques.
Du film l’esprit des simples, il se dégage finalement une atmosphère joyeuse comme en témoigne quelques retours d’opinion ci-dessous.